Il y a quelques jours, je suis allée à la rencontre de Caroline Zalesky, la fondatrice de la marque Atode, pour lui poser quelques questions. Dans cet article, Caroline nous parle de son expérience d’entrepreneuse, comment elle a développé sa première collection, et nous en dit plus sur sa marque prometteuse. Je pense que c’est l’article le plus long de mon blog, mais je trouve très intéressant de partager avec vous des détails sur l’expérience de différents entrepreneurs et entrepreneuses, en commençant par Caroline. J’espère que cette nouvelle rubrique vous plaira !
Peux-tu te présenter et nous présenter ton parcours ?
Je m’appelle Caroline Zalesky, j’ai 28 ans. J’ai fait une école de commerce à Aix-en-Provence, et j’ai ensuite travaillé pendant 4 ans aux Galeries Lafayette de Marseille en tant que responsable marketing et communication du magasin. Après cette première expérience, j’ai eu envie de voir autre chose, mais surtout de développer quelque chose par moi-même. J’avais une idée en tête pour consommer la mode différemment et je me suis simplement dit qu’il fallait peut-être que je tente quelque chose tant que j’étais jeune, que je n’avais aucune obligation. J’ai donc commencé à réfléchir sur Atode, et la marque a été lancée le 1er septembre 2015.
Peux tu présenter ta marque en quelques mots ?
Atode c’est une marque de prêt-à-porter haut de gamme pour femmes actives. Atode veut dire ATtention aux DEtails. Le détail est porté sur les matières que j’utilise dans la fabrication. Ce sont uniquement des tissus naturels de luxe : laine, soie, coton, lin… Tout est fabriqué à Marseille, en édition limitée. Le but est de proposer un vestiaire minimaliste que l’on peut porter du matin au soir, mais à un prix qui soit juste et justifié. C’est-à-dire que j’ai voulu être complètement transparente sur mes prix. J’explique à mes clientes la composition du prix, aujourd’hui si vous dépensez 200€ dans une robe, c’est parce que ça les vaut (Cf schéma ci-dessous). Ce sont des collections capsules, par saison. Il n’y a que 10 pièces par collection, qui sortent tous les trois mois. Le but est d’avoir de la nouveauté pour créer l’envie chez la cliente.
Tu avais déjà l’esprit entrepreneurial ?
Oui, j’avais le goût d’entreprendre. Je pense que c’est un caractère. Mais je m’étais toujours dit que je ne trouverais jamais d’idée. Quand on voit les autres, on se met la pression parce qu’ils ont des super projets… Mais ce qu’il faut se dire, c’est qu’il ne faut pas forcément avoir une idée de dingue pour se lancer. Du moment que ça répond à un besoin, il faut y aller.
Tu as fait une étude de marché ?
Oui. Comme j’ai fait un cursus d’école de commerce je voulais valider toutes les étapes avant de me lancer ! J’ai notamment fait un questionnaire auprès de proches, d’amis, de personnes qui pouvaient correspondre à ma cible. Et dès que tout ça a été validé je me suis dit « ok, il y a vraiment quelque chose à faire donc vas-y ! ».
Tu as réussi à interviewer des gens que tu ne connaissais pas pour ton étude de marché ?
Oui. Après c’est vrai que c’est compliqué ce genre de questionnaire. Je l’ai fait passer à des amis d’amis etc. Et c’est comme ça que ça circule. Je n’ai pas interviewé les gens dans la rue parce que ma cible est composée de femmes actives, elles n’auraient pas eu le temps de me répondre. Et c’est vrai que souvent, les questionnaires dans la rue ne fonctionnent pas.
Je sais que tu fais souvent des boutiques pop-up, pourquoi ce choix ?
Oui, c’est un moyen de faire connaître la marque. Je l’ai fait à Aix-en-Provence pendant trois semaines au mois de décembre, et à Paris pendant un mois en début d’année. Le but c’est de faire connaître la marque dans des villes à potentiel. L’objectif c’est d’aller ensuite à Lille, Lyon, Bordeaux…
Quel a été ton cheminement depuis l’idée jusqu’aux vêtements finis ?
Quand on ne vient pas du monde de la mode et du textile c’est plus compliqué pour trouver les fournisseurs et les fabricants. Dès le départ, je savais à quoi allait ressembler ma collection, il fallait donc trouver les matières. Je voulais qu’elles soient françaises, sauf qu’il n’y en a plus beaucoup et que ça coûte vraiment très cher.
Je suis donc allée au salon du tissu à Paris (Première Vision), c’est deux fois par an, où il y a des fabricants du monde entier. C’est sur 5 halls, donc c’est un peu compliqué quand on ne connaît pas, il faut bien préparer sa visite si on veut être efficace ! Au départ je suis allée voir les français, mais leur minimum de métrage était de 200 ou 300 mètres alors que je n’ai besoin que de 35 à 50 mètres de tissu par modèle. Je fabrique 24 pièces de chaque modèle, c’est tout. Donc il me fallait de tout petits fournisseurs. Finalement, au fur et à mesure je me suis rendu compte que ce sont les italiens qui proposent de petites quantités. Cette partie a été compliquée, mais maintenant que j’ai mes fournisseurs c’est génial !
Ensuite, il fallait que je trouve l’atelier de fabrication. Il y a un espace au salon qui est consacré aux fabricants. Là, même problème, j’avais des quantités trop petites ou c’était trop cher. Surtout que je ne fabrique pas les 24 modèles d’un coup, j’en fait faire 15 et j’ajuste en fonction de ce qui marche le mieux pour ne pas avoir de stock si jamais je n’écoule pas tout. Au final, j’ai appelé la chambre des métiers de Marseille pour avoir les noms des couturières. J’ai passé des dizaines de coups de fils et j’ai fini par trouver mes deux ateliers. Une fois que ces deux choses ont été mises en place c’était plus facile. Le reste s’est mis en route tout seul.
Tu as mis combien de temps pour concrétiser ton projet ?
Du moment où j’ai commencé à travailler sur l’étude de marché, jusqu’à ce que la collection soit en ligne, il s’est passé un an et demi environ. Cinq mois pour le business plan, l’étude de marché, etc. puis un an pour trouver les fournisseurs, les ateliers, les financements et faire fabriquer la première collection.
Comment trouves-tu l’inspiration ?
Ce sont surtout les tissus qui vont m’inspirer. Ensuite, je dessine des vêtements que j’aimerais porter. Par exemple pour la veste Celine, j’ai vu le tissu et je me suis dit que sur une veste il serait parfait. Je fais des liens, je ne fais pas du tout de tableau de tendances. Je vais piocher des choses que j’aime autour de moi ou dans la déco, mais je pars surtout de la femme que je veux habiller. Ensuite, je dessine et je travaille avec la modéliste de l’atelier sur les proportions et les détails.
Est ce que tu as des conseils pour le financement ?
Pour mon projet j’ai fait les choses de base. C’est-à-dire le prêt bancaire classique, le prêt d’honneur, le prêt NACRE, un micro-crédit et une campagne de financement participatif.
Le prêt d’honneur, c’est un prêt que chaque créateur peut demander, le montant maximum d’emprunt est de 10 000€. Mais c’est rare d’atteindre ce montant. Le prêt NACRE (Nouvel Accompagnement pour la Création et la Reprise d’Entreprises), est réservé aux demandeurs d’emploi. C’est également maximum 10 000€. J’ai aussi fait un micro crédit avec Créa-Sol. C’est une branche de la caisse d’Epargne destinée à aider les créateurs d’entreprises. Sauf que ce prêt là n’est pas à taux 0 mais à 4,5%. Les autres sont à taux 0 car ce sont des prêts personnels.
Il y a aussi l’emprunt bancaire classique. C’est obligatoire d’en faire un pour avoir les trois autres. Une fois ce prêt validé, les autres s’activent plus facilement. Pour ma part, j’ai eu plus de mal à avoir le prêt bancaire car il allait me permettre de financer mes stocks (matières premières, production). Les banques qui financent les stocks sont le Crédit Mutuel, la CIC, la Banque Populaire et la Caisse d’Epargne. Les autres financent plutôt des fonds de commerces, des murs… pour pouvoir récupérer si jamais le projet ne marche pas.
J’ai aussi fait une campagne de financement participatif sur Kiss Kiss Bank Bank. Je le conseille, mais par contre c’est intense. Pour Atode j’ai réussi à avoir les 10 000€ que je voulais en 15 jours, mais j’ai dû beaucoup solliciter mon entourage pour qu’ils participent et demandent aux gens qu’ils connaissent de participer. Il y a juste une personne qui a participée et que je ne connaissais pas du tout.
Aujourd’hui, je suis de nouveau dans cette phase de recherche de fonds pour relancer la machine. Quand on fait des biens de consommation il faut soit passer par des fonds d’investissement, soit par des business angels. C’est la vie de l’entrepreneur, il faut aller chercher de l’argent régulièrement, jusqu’au jour où on arrive à s’autofinancer. Pour Atode, l’argent que j’avais au départ m’a permis de développer mes 4 premières collections, et pour l’instant l’argent que les ventes me rapportent me sert à rembourser les prêts. Je ne rentre pas encore de bénéfices. Sachant qu’il faut entre 3 et 5 ans pour se dégager un salaire, il faut être bien entouré et avoir des proches qui soient prêts à aider dès le départ.
Est ce que tu as des conseils à donner aux personnes qui lancent leur business ?
Au début de l’aventure, on m’a souvent demandé « es-tu bien entourée ? ». Je trouvais ça idiot, mais en fait je me suis rendu compte que c’est très important. D’avoir ton conjoint, tes amis, tes parents… Même si les parents ne seront jamais à 100% dès le démarrage, sauf si vraiment ils ont déjà créé une boîte. Ils s’impliquent quand ça devient concret. Si tu as un associé, c’est plus facile de se remotiver, mais quand tu travailles tout seul, il faut quelqu’un d’extérieur qui te rebooste, qui te dise « c’est pas grave, lâche rien ». Il y a beaucoup de difficultés, on alterne entre une chose positive, une chose négative. Et même si c’est 80% de difficultés, les 20% de positif sont tellement remotivants que ça compense tous les efforts.
Un autre conseil que je pourrais donner, c’est de croire en son projet et de le vendre à 2000%. Il ne faut jamais sous-estimer son idée. On apporte toujours une différence, une innovation. Je dirais aussi qu’il ne faut pas se mettre la pression par rapport aux autres entrepreneurs. Ils ont commencés avant, chacun a son histoire. Tout le monde est passé par ces étapes du commencement du projet.
Selon toi, quels sont les avantages et inconvénients d’être une femme entrepreneur ?
Comme inconvénient, je dirais qu’on est moins prises au sérieux quand on veut créer notre boîte. C’est bête parce que ça dépend seulement du caractère. Mais à part ça, je pense que c’est un avantage d’être une femme quand on veut créer son entreprise. Il y a une mouvance autour des femmes entrepreneurs, des réseaux qui se créent. Je trouve qu’il y a plutôt un inconvénient dû à l’âge. Des fois on ne te prend pas au sérieux parce que par exemple dans mon cas, je n’ai « que » 28 ans. Donc je pense que c’est d’être jeune qui peut-être difficile, le fait d’être un homme ou une femme je ne le ressens pas plus que ça. Au contraire je trouve que c’est un avantage d’être une femme. Alors que quand on est jeune, il va falloir plus se battre pour défendre son projet que quelqu’un de 40 ans qui a déjà fait carrière.
Quand tu as commencé, tu avais un réseau ou tu l’as développé en parallèle de la création de ton entreprise ?
Non, je n’avais pas vraiment de réseau. On peut dire que je connaissais quelques personnes grâce à mon poste de responsable marketing aux Galeries Lafayette. Mais par contre ce qui est intéressant c’est de demander des conseils aux amis qui ont fait des études différentes. Par exemple en compta, en droit, etc. Sinon, on se fait du réseau quand ça se développe.
On a cette idée que dès qu’on est entrepreneur, on va travailler beaucoup plus, comment se passent tes journées ?
Je me lève entre 7h et 8h et je travaille toute la journée, mais je me force à arrêter le soir. A 19h j’arrête de bosser parce que mon cerveau est off. Ça ne sert à rien de faire des heures pour travailler à moitié. Mais il y a quand même des jours où je vais bosser jusqu’à 22h parce qu’il y a plus de choses à faire. Mais en général à 19h je vais au sport, je vais voir mes amis. C’est important d’avoir une vie personnelle. J’ai réussi à me structurer un quotidien, mais comme je travaille de chez moi c’est un peu compliqué parfois. Je ne veux surtout pas le voir comme quelque chose où on n’arrête pas de travailler. Mais il faut garder en tête qu’il y aura des moments creux et des moments intenses.
C’est comment de bosser de chez soi ?
C’est super, j’aime bosser à la maison. Comme je parle beaucoup en travaillant, j’aurais du mal dans les espaces de co-working. Je pense que ça dépend du caractère. Moi j’ai besoin de calme. Je trouve que de la maison c’est plus facile. Et puis ça évite tous les trajets maison-travail !
Comment vois-tu le futur d’Atode ?
Mon objectif, c’est que la marque rencontre ses clientes petit à petit. J’aimerais que les gens viennent vers les produits parce qu’ils ont confiance dans la marque, les prix, les matières. Et l’idéal serait d’ouvrir des boutiques, mais plutôt d’ici 3-4 ans. Que les gens viennent vivre une expérience autour de la marque Atode. Je voudrais développer la marque avec des lignes homme, enfant, déco. En fait j’aimerais créer un art de vivre Atode, plus que juste une marque de prêt-à-porter. Et pourquoi pas des boutiques à l’international, New-York, le Japon…
Merci à Caroline pour son temps et son témoignage riche ! J’espère que l’article vous a plu, n’hésitez pas à mes faire part de vos remarques et envies pour les futures interviews ! Et pour shopper la jolie collection Atode, c’est par ici : Atode.fr
Elo a écrit
Merci Clémence et Caroline ! C’est un article très intéressant et surtout motivant ! Ça donne envie de se lancer, alors merci :-)
cbyclemence a écrit
Merci Elodie ! ça me fait très plaisir :)